Auparavant, les appareils photos et autres systèmes photographiques étaient des objets de luxe que seuls les expérimentés pouvaient utiliser, où les clichés étaient réalisés sur des plaques de verre relativement encombrantes, lourdes et fragiles rendant la photographie sous entendu l'appareil photo méconnu du grand public.
En 1888, le leader du marché des appareils photos est né…
Dès 1880, George Eastman un simple employé dans une banque décide d'abandonner son métier avec comme objectif de révolutionner la photographie, de la transformer en loisir démocratique et de rendre l'appareil photo aussi familier qu'un stylo. Il crée avec son associé Henri Strong l'entreprise Eastman Dry Plate Company devenue KODAK en 1888, un mot qui ne veut rien dire mais facile à retenir et à prononcer le rendant ainsi un atout marketing.
L'innovation qu'apporta Eastman culminait dans ses créations révolutionnaires dans le monde de la photographie, où sa première création était celle de la plaque sèche suivit par la mise en point des surfaces sensibles et souples facile à transporter et à stocker, cette innovation a permis de supprimer l'utilisation des plaques de verres et diminuer considérablement la tailles des appareils, cela à permis de faciliter la pratique de la prise de vue en tous lieux et sous tous circonstances.
Avec un Business Model stratégique, l'entreprise devient monopole du marché des appareils photos :
La révolution du film souple permet à l'entreprise d'être pionnière dans la commercialisation de l'appareil photo dédié aux particuliers, et pour la première fois la photographie devient accessible à tout le monde et à chaque foyer, avec son slogan you press the button, we do the rest qui veut dire ( vous pressez le bouton et nous faisons le reste) la marque marquera l'esprit de millions de personnes à travers le monde.
Elle poursuit ensuite les innovations avec le développement d'un papier dédié à l'imagerie médicale peu de temps après l'invention des rayons X, l'invention de la pellicule couleur sous le nom de Kodachrome…
Toutes ces innovations ont été basées sur la même technologie qui est celle du film à support souple, cette même technologie qui structure le business model de l'entreprise, sa stratégie et toute sa manufacture.
Le tournant loupé vers le numérique…
Dans les années 90s, Edwin Land, l'ingénieur qui fonda Polaroid (Une entreprise qui fabrique des appareils photos instantanées) suite à son rejet de la part de Kodak en 1950, attaque la firme pour contrefaçon de son invention et elle se retrouve condamnée à verser 3 milliards de dollars à son rival.
Mais l'une des erreurs les plus fatales pour Kodak est le virage raté vers le numérique en 1975, ou Steven Sasson a inventé le premier appareil photo numérique, l'innovation aurait pu changer l'avenir de kodak, même si l'appareil fut breveté, l'entreprise craint la perte de son monopole, elle rejette cette invention et maintient sa position de spécialiste de la pellicule du tirage dont la rentabilité était bien supérieure à la vente d'appareils, ignorant ainsi ce qui pourrait brutalement remettre en cause son écosystème.
Plus tard, dans les années 90s les firmes Canon, Nikon, Sony … lancent leurs premiers appareils photos numériques devançant ainsi Kodak, elle tente tout de même de lancer ses propres appareils numériques, une reconversion ratée qui rendra sa diversification inefficace et mènera au dépassement de la société.
Refroidie et déboussolée par ces épisodes dures, l'entreprise passe par une période où elle rachète des startups dans la chimie, l'électronique, l'imprimerie … des entreprises qu'elle surpaye souvent.
Mais ce qui devait arriver arriva, la chute s'accélère et le numérique pénètre dans le marché avec vitesse, et avec une dette de 7 milliards de dollars Kodak demanda en 2012 la protection du chapitre 11 de la loi américaine des faillites, déclarant ainsi la fin de la dynastie Kodak.
Les trois barrières à la mobilité stratégique qui ont empêché Kodak de prendre le tournant vers le numérique :
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La transition technologique :
Développer un prototype d'appareil photo numérique est une chose mais changer le business model en est une autre, ou le business model de Kodak était celui de la pellicule et la chimie du carbone sur lesquels il avait développé un avantage concurrentiel important. Contrairement à celui du numérique qui repose sur l'industrie des semi-conducteurs et de la chimie du silicium, là où la firme était loin d'être capable de percer car cela lui exigeait de revoir toute la chaîne de valeur, donc ce basculement numérique a d'abord profité aux géants de l'électronique à savoir Sony ou Panasonic.
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L'écosystème :
Les recettes de l'entreprise ont été fortement impactées par la venue du numérique dans ses majeurs débouchés qui compte le cinéma, la photographie grand public et professionnelle.
Par exemple pour le cas de la photographie grand public, le remplacement des albums par les disques durs a fortement impacté le marché des pellicules en forçant les distributeurs à se diriger vers des fournisseurs de produits numériques, ainsi réduisant considérablement les revenus de Kodak dans ce secteur.
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Le facteur humain :
Le lancement de la firme dans les années 90s d'une division digitale qui ne pesait pas grand face à son business historique mais qui nécessite au niveau de la production moins de capital humains, incitant ainsi Kodak à licencier un bon nombre de ses employés, chose que la direction avait longuement chercher à éviter.
Le rétrécissement du business a durement impacté les perspectives de carrière des cadres et cela a contribué à la détérioration des relations internes entre employés, amenant ainsi inévitablement vers la fin de la société.
L'histoire de Kodak est l'exemple parfait que le business model de l'entreprise n'est pas suffisant à lui seul mais l'innovation et la capabilité de l'améliorer sont primordiale pour son succès et sa durabilité dans le temps, car l'histoire de Kodak n'est pas celle d'une entreprise qui n'a pas su innover mais celle d'une entreprise qui n'a pas pu mettre son innovation dans le marché et qui est restée coincée dans son business model historique.